Susciter un mouvement collectif d’intégrité

Dans beaucoup d’organisations, la première réaction face à un problème d’intégrité est de demander à la direction de « donner le ton ». C’est le principe repris par des normes comme l’ISO 37001 : si le management affiche clairement ses valeurs et son engagement, les équipes suivront.

Mais sur le terrain, ce message ne se traduit pas toujours en comportements durables. Les enquêtes internes, les communications officielles ou les sanctions exemplaires peuvent produire un effet immédiat, mais ne suffisent pas toujours à créer une dynamique collective. Par exemple, dans une administration fiscale, un agent a signalé des irrégularités dans l’attribution de marchés. La direction avait adopté un canal officiel de signalement, mais l’agent craignait des représailles et un isolement. C’est finalement le soutien discret de collègues, qui ont relayé les informations et confirmé certains faits, qui a permis de crédibiliser l’alerte et de protéger le lanceur d’alerte. Sans ce réseau de soutien, le dispositif formel serait resté lettre morte.

La question se pose alors : le changement peut-il venir uniquement d’en haut, ou doit-il être nourri par la force des relations entre collègues ?

le rôle indispensable mais limité du management

L’histoire des théories du leadership montre bien l’importance du modèle donné par les dirigeants. Burns a parlé de leadership transformationnel, Treviño d’apprentissage social : dans les deux cas, l’exemplarité compte. Un dirigeant perçu comme juste, cohérent et crédible peut inspirer ses équipes.

Cependant, ce rôle d’inspiration ne suffit pas. Dans la pratique, le message du management n’a de force que s’il est relayé, approprié et discuté par les équipes. Autrement dit, la confiance ne se construit pas seulement à partir de la figure centrale, mais dans les liens quotidiens entre collègues.

Quand les réseaux font la différence

Mais que se passerait-il si la clé du changement ne résidait pas uniquement dans les dirigeants, mais dans la manière dont les individus sont connectés au sein de l’organisation ?

La théorie des réseaux montre que la diffusion des comportements dépend moins d’une figure centrale que de la densité des relations entre collègues. Dans un réseau clairsemé, le message d’intégrité reste fragile, même si la direction le porte avec conviction. À l’inverse, dans un réseau dense où les liens sont nombreux, les comportements éthiques ont plus de chances de se propager et de s’ancrer durablement.

Par exemple, dans le schéma ci-dessous, le changement circulera plus facilement dans le réseau dense que dans le réseau « clairsemé » (sparse) où le chef est central mais est en fait peu connecté et a donc peu d’influence.

Par exemple, dans une entreprise pharmaceutique, la direction avait instauré des règles strictes pour déclarer tout conflit d’intérêts. Pourtant, plusieurs employés hésitaient à signaler leurs collaborations externes par peur de nuire à leur carrière. Ce n’est que lorsque des collègues ont commencé à échanger entre eux sur leurs dilemmes et les pressions auxquels ils faisaient face qu’un plus grand nombre a osé déclarer leurs situations et valoriser la transparence. Le changement est venu des discussions collectives, pas seulement de la règle écrite.

Les recherches de Damon Centola confirment que convaincre une minorité active peut suffire : environ 25 % des membres d’un groupe peuvent déclencher une réaction en chaîne. De même, le modèle de seuil de Granovetter illustre que chacun a son propre « point de bascule » avant d’adopter un nouveau comportement, souvent influencé par ce qu’il observe chez ses pairs.

Concrètement, cela signifie qu’un projet d’intégrité ne réussit pas seulement par la qualité des codes ou l’exemplarité du management, mais aussi par la manière dont les individus sont reliés entre eux. Les échanges informels, le mentorat, les discussions quotidiennes jouent un rôle décisif. Le leadership doit donc créer les conditions d’un réseau vivant : des espaces où les comportements éthiques circulent, se renforcent et deviennent la norme.

Construire une culture d’intégrité avec les équipes

Une culture d’intégrité solide repose donc sur deux piliers :

  • des dirigeants capables de fixer un cap et d’incarner les valeurs ;
  • des équipes responsabilisées, connectées et engagées, qui diffusent ces valeurs par leurs interactions quotidiennes.

L’équilibre entre ces deux dimensions est essentiel. Trop d’accent sur la conformité et la figure du leader peut créer une dépendance excessive et freiner l’initiative. Trop peu de cadre et de soutien managérial peut laisser la place aux rumeurs ou à la complaisance.

Comment Ethicor accompagne vos équipes

Chez Ethicor, nous aidons les organisations à trouver cet équilibre.

  • Diagnostic rapide : identifier les blocages relationnels et organisationnels qui freinent la confiance.
  • Accompagnement des équipes : faciliter des ateliers où les collaborateurs définissent ensemble les leviers d’intégrité adaptés à leur réalité.
  • Soutien au leadership : appuyer les dirigeants pour qu’ils soutiennent ces dynamiques collectives et alignent la conformité avec le quotidien des équipes.
  • Mise en œuvre en 90 jours : accompagner l’application rapide de recommandations co-construites, avec suivi et ajustements.

Le ton donné par la direction ouvre la voie, mais c’est la force du collectif qui fait avancer. Ethicor vous aide à transformer ce potentiel en réalité.

Références

Brown M. E., Treviño Linda K., & Harrison D. A., 2005. Ethical leadership: A social learning perspective for construct development and testingOrganizational Behavior and Human Decision Processes, Volume 97, Issue 2, pp. 117–134.

Burns J.M.G, 1978. Leadership, New York: Harper Torch Books.

Centola D., et al., 2018. Experimental evidence for tipping points in social conventionScience 360, pp. 1116-1119.

Granovetter M., 1978. Threshold Models of Collective BehaviorThe American Journal of Sociology, Vol. 83, No. 6., pp. 1420–1443.

Nicaise, G. 2022. Strengthening the ethics framework within aid organisations. Bergen: U4 Anti-Corruption Resource Centre, Chr. Michelsen Institute (U4 Issue 2022:8).

Treviño, L. K., Brown, M., & Hartman, L. P. 2003. A Qualitative Investigation of Perceived Executive Ethical Leadership: Perceptions from Inside and Outside the Executive SuiteHuman Relations56(1), 5-37.

Publications similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *