Face aux scandales de fraude et de corruption, les organisations ont renforcé leurs systèmes de compliance. Codes de conduite, procédures, contrôles et sanctions dessinent une architecture censée réduire les risques et démontrer une tolérance zéro.
Mais cette logique a un revers. Derrière l’apparente solidité du système se cache une réalité plus fragile : mal-être au travail, perte de sens, climat de méfiance. La compliance réduit l’éthique à l’obéissance, au lieu de stimuler le jugement moral. Elle crée une culture du contrôle, plus qu’une culture de l’intégrité.
Les effets pervers du contrôle
Un dispositif centré sur la conformité peut générer des tensions importantes. Les employés vivent la règle comme une contrainte lointaine déconnectée de leurs dilemmes quotidiens.
La pression à l’obéissance engendre souvent anxiété, peur de l’erreur, ou découragement. Dans certains cas, le système finit par miner la motivation, plutôt que de la renforcer. Il ignore aussi des dimensions invisibles mais décisives : les biais implicites, les normes sociales, les discriminations de genre, les dynamiques de pouvoir. Autant de facteurs qui façonnent les comportements éthiques dans les organisations.
Au-delà des règles : une approche par les valeurs
Pour dépasser ces limites, de plus en plus d’acteurs plaident pour un cadre qui combine compliance et valeurs. L’éthique ne peut pas se réduire à des règles. Elle suppose aussi une capacité individuelle et collective de discernement, à dialoguer et à prendre soin.
Les approches par les valeurs reposent sur la confiance et l’appropriation. Elles invitent les employés à agir non seulement parce qu’ils y sont obligés, mais parce qu’ils se reconnaissent dans les principes et les finalités de leur organisation.
L’éthique du care : une nouvelle voie pour penser l’intégrité
L’éthique du care, développée par Carol Gilligan et Joan Tronto, offre un cadre puissant pour repenser l’intégrité. Elle met en avant l’attention portée aux personnes, la reconnaissance de leurs vulnérabilités, et la co-construction de solutions éthiques.
Plutôt que d’imposer un système vertical de gouvernance, le care valorise le dialogue et la responsabilité partagée. Il propose un cycle vertueux : identifier les besoins, se sentir concerné, agir de façon appropriée, rendre compte. Ce processus nourrit un climat de solidarité et de confiance, indispensable à la motivation et à l’engagement des équipes.
Quand l’organisation soutient ses salariés
Certaines institutions commencent à expérimenter cette logique. Par exemple, à l’Agence française de développement, un service d’éthique offre un espace d’écoute confidentiel pour aider les employés confrontés à des dilemmes dans leur travail. Ce service ne rend pas compte au leadership, il est indépendant de la hiérarchie, mais la conseille sur les situations d’intégrité. (Nicaise, 2022)
Autre exemple, la Coopération suisse a mis en place des ateliers participatifs sur la culture d’intégrité, encourageant le dialogue et la reconnaissance des échecs comme source d’apprentissage. (ibid)
Ces expériences montrent qu’il est possible de construire une intégrité organisationnelle qui ne repose pas uniquement sur le contrôle, mais aussi sur la confiance et la reconnaissance mutuelle.
Les effets positifs d’un management inspiré du care
Un cadre éthique fondé sur le care et les valeurs consiste à reconnaître les vulnérabilités des individus, à favoriser l’écoute et la coopération, et à intégrer la responsabilité collective dans la prise de décision. Concrètement, il offre aux employés non seulement des règles, mais aussi des espaces de dialogue et d’autonomie pour juger et agir de manière éthique, ce qui renforce leur engagement et la culture de confiance au sein de l’organisation.
Un cadre éthique basé sur le care et les valeurs produit plusieurs effets positifs :
- il renforce le moral et la motivation des employés ;
- il favorise l’appropriation des règles, plutôt que leur simple tolérance ;
- il développe la résilience organisationnelle face aux crises d’intégrité ;
- il réduit les risques à long terme, car il consolide une culture de responsabilité collective.
Plutôt que d’étouffer l’initiative, il ouvre des espaces où chacun peut exercer son jugement moral.
L’approche Ethicor
Chez Ethicor, nous accompagnons les organisations dans cette transformation. Nous aidons à dépasser une vision limitée de la compliance pour bâtir une véritable culture d’intégrité.
Notre approche repose sur l’écoute, l’attention portée aux personnes, et la compréhension des contextes où émergent les dilemmes. Elle vise à reconnaître les vulnérabilités organisationnelles, à prévenir les traumatismes liés aux crises d’intégrité, et à reconstruire la confiance.
En intégrant les principes de l’éthique du care, Ethicor favorise l’autonomie, la responsabilisation et le sens au travail. Nous aidons les organisations à créer des environnements où la confiance et la responsabilité partagée deviennent des ressources, et non des slogans.
De la règle à la confiance
La compliance est nécessaire, mais elle ne suffit pas. Pour prévenir les mauvaises pratiques et favoriser un cadre de travail intègre et prospère, il faut aller plus loin : investir dans une éthique incarnée, attentive aux personnes, et fondée sur le collectif.
