Cultiver l’intégrité en prenant soin des équipes

Un lundi matin, la directrice réunit son équipe. Une enquête interne a confirmé des faits de harcèlement impliquant un cadre intermédiaire. Le management a réagi rapidement : procédure de signalement respectée, confidentialité garantie, enquête réalisée, sanction décidée. Tout est conforme aux règles internes et au droit. Sur le papier, le cas est clos.

Mais sur le terrain, la réalité est différente. La confiance n’est pas revenue. Les réunions se vident, les tensions persistent, deux personnes clés envisagent de quitter l’organisation. « Nous avons suivi chaque étape du protocole, pourquoi l’équipe reste-t-elle paralysée ? », s’interroge la directrice.

Ce paradoxe est fréquent. La compliance protège l’organisation et fixe des garde-fous indispensables. Mais elle ne suffit pas à rétablir la coopération ni à apaiser les relations de travail après une situation sensible. Pour aller plus loin, des approches complémentaires peuvent soutenir le leadership : l’éthique réflexive et l’éthique du care.

Des couches qui se renforcent

Plutôt que d’opposer les approches, il s’agit de les combiner :

  1. Éthique procédurale : elle garantit les bases – respect des règles, consentement, confidentialité, due process. Elle aligne l’organisation sur ses obligations (par exemple RGPD, codes anticorruption).
  2. Éthique réflexive : elle ouvre un espace de discussion sur les dilemmes concrets, les « moments éthiquement importants » que les procédures ne couvrent pas, comme l’impact émotionnel d’une enquête sur les collègues non impliqués (Guillemin et Gillam, 2004).
  3. Éthique du care : elle propose un cadre relationnel et démocratique, basé sur l’attention aux besoins, la responsabilité, la compétence, la réceptivité et la solidarité (Tronto, 1993, 2013, 2016). Le « bon soin » ne s’impose pas, il se co-construit avec les personnes concernées.

Dans notre exemple, la direction commence par sécuriser le processus en appliquant la procédure interne et en protégeant la confidentialité des personnes concernées. Elle engage ensuite une démarche réflexive pour reconnaître les tensions qui subsistent malgré la sanction et pour comprendre l’effet de la situation sur l’ensemble de l’équipe. Enfin, grâce à une approche de care, l’équipe construit collectivement des actions concrètes pour rétablir un climat de travail sain, renforcer la confiance et retrouver une dynamique constructive.

C’est cette articulation progressive – sécuriser, comprendre, réparer – qui donne toute sa force au dispositif. Mais pour qu’une organisation puisse se l’approprier de façon cohérente et mesurable, il est utile de disposer d’une méthode claire.

Une méthode progressive, construite avec les équipe

Cette méthode n’est pas un plan imposé d’en haut. Elle repose sur la capacité du leadership à ouvrir un cadre sûr, puis à accompagner les équipes dans l’identification de leurs propres besoins et dans la co-construction des solutions. Le rôle de la direction est de soutenir, de faciliter et de garantir que les engagements pris collectivement soient mis en œuvre. Cela suppose de

1. Reconnaître le tort et sécuriser
Formulez une annonce claire des faits connus, des incertitudes, des mesures de sauvegarde immédiates, canaux de signalement protégés, protection des données et des témoins. Vous agissez sur les quatre principes de base, non-malfaisance, autonomie, bienfaisance, justice (Beauchamp et Childress, 2001).

2. Ecouter sans nuire
Des cercles d’écoute volontaire, basés sur des règles de confidentialité adaptées et facilités par des personnes formées et indépendantes, permettent une focalisation sur les besoins et pas uniquement sur les preuves. On traite les « moments éthiquement importants » et pas seulement les cas extrêmes (Guillemin et Gillam, 2004).

3. Co-diagnostiquer les besoins
La cartographie permet d’appréhender les besoins de sécurité, de reconnaissance, de réparation, d’aménagements de travail, de médiations, de réaffectations, ainsi que les mesures vis-à-vis d’intervenants externes. Dans un co-diagnostic, la facilitation et la validation s’effectue avec les personnes concernées pour que le diagnostic reflète leur réalité. On évite le paternalisme signalé comme risque du care (Tronto, 2013).

4. Agir et rendre compte
Il s’agit d’un plan d’actions court et public en interne, aux responsabilités claires et des délais réalistes, accompagnés de critères de réussite. Des réunions de rétroaction centrées sur la pertinence des mesures et la manière dont elles sont vécues permettent de concrétiser ses avancées, pas seulement valider leur existence formelle.

5. Boucler, apprendre, ajuster
La situation évolue. Prévoir des itérations mensuelles, puis trimestrielles. Documenter les apprentissages, y compris les ratés. Il s’agit d’instaurer un care cyclique, pas un one-off (Tronto, 2016).

En suivant ces cinq étapes, une organisation peut gérer une situation sensible tout en renforçant durablement sa culture d’intégrité. Mais pour que ce processus réussisse, il est souvent nécessaire de bénéficier d’un accompagnement externe, garant d’écoute, de facilitation et de réalisme dans la mise en œuvre.

Comment Ethicor accompagne vos équipes

Chez Ethicor, nous intervenons comme facilitateur. Notre rôle n’est pas d’imposer des solutions toutes faites, mais de créer les conditions pour que les équipes expriment leurs besoins, co-construisent des recommandations concrètes et s’engagent ensemble dans leur application. Cet accompagnement donne au leadership un appui solide pour soutenir ses équipes et assurer que les engagements soient tenus. Nous proposons

Un diagnostic rapide : entretiens, analyse documentaire et lecture des dynamiques de pouvoir et de genre pour identifier les blocages visibles et invisibles.

Un accompagnement des équipes : co-construction d’un parcours adapté, avec ateliers d’écoute, médiations ciblées et espaces de réflexion collective pour rétablir un climat de travail sûr et constructif.

Un soutien au leadership : coaching des directions pour articuler conformité et care, développer une communication claire et répondre aux besoins exprimés par les équipes.

Des recommandations applicables : nous formulons des mesures concrètes et réalistes, validées avec vos équipes et vos cadres. Elles sont conçues pour être appliquées dans les 90 jours, avec des critères de suivi clairs.

Un suivi et ajustement : points d’étape réguliers (30, 60, 90 jours) pour évaluer les effets, corriger ce qui ne fonctionne pas, et ancrer durablement les changements.

Références

Beauchamp, T. L., et Childress, J. F. 2001. Principles of Biomedical Ethics. Oxford University Press.
Fricker, M. 2007. Epistemic Injustice. Oxford University Press.
Gilligan, C. 1982. In a Different Voice. Harvard University Press.
Guillemin, M., et Gillam, L. 2004. Ethics, reflexivity, and “ethically important moments”. Qualitative Inquiry.
Tronto, J. C. 1993. Moral Boundaries. Routledge.
Tronto, J. C. 2013. Caring Democracy. NYU Press.
Tronto, J. C. 2016. Contributions sur le care comme processus dialogique.

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